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Que faire face à la page blanche ?

Pour la plupart des livres ou des sites sur l’écriture que j’ai consultés, il ne faut surtout pas se lancer avant d’avoir un plan. Certains ont résolu leur roman avant d’écrire leur première page, d’autres construisent leur scénario suivant des codes bien précis. Stephen King, lui, part d’une situation. De celle-ci découleront l’intrigue et la caractérisation des personnages. Chacune de ses méthodes est sans doute bonne à celui qui l’emploie.

Ce qui me plaît, dans chacun des romans qui m’ont marqué, c’est la première phrase. Celle de Guerre et Paix, je ne m’en souviens jamais. Cependant en la lisant chez mon bouquiniste de la rue Paradis à Marseille, j’ai été tellement happé que je n’ai pu m’arrêter de lire. Je lisais en payant, je lisais en marchant jusque chez moi et j’ai avalé ce pavé en quelques jours au détriment de mes devoirs de lycéens.

Les phrases qui sont restées gravées dans ma mémoire sont celles qui semblent répondre à une question. Celles de Flaubert semblent répondre à un enquêteur ou à un policier. J’ai cette impression de voir l’auteur en garde à vue. Après quelques baffes, il dit à l’inspecteur/lecteur : Voilà, je vais tout vous expliquer… « C’est dans la Thébaïde, au haut d’une montagne, sur une plate-forme arrondie en demi-lune, et qu’enferment de grosses pierres. » ou bien « C’était à Mégara, faubourg de Carthage, dans les jardins d’Hamilcar ». Adolescent, j’y voyais un système, une recette que j’avais retrouvée chez Rimbaud : « C’est un trou de verdure où chante une rivière », « C’est un large buffet sculpté ». Pour bien commencer, il fallait commencer par « c’est ». Je le résumais alors par cette formule : « Comment commencer ? Comment ? Comment ? C’est… ! »

Il est évident que la réponse n’était pas dans le « c’est », mais dans la réponse. Il faut que la première phrase ait l’air de répondre à une question. Ainsi, l’une des plus célèbres, « Longtemps, je me suis couché de bonne heure. » semble répondre à un psychanalyste ou à un médecin.

En écrivant ces lignes je me penche à nouveau sur ces livres que j’ai tant aimés pour y trouver confirmation de mes élucubrations. Du côté des gardés à vue, je trouve, chez Déon « Sa première apparition date de 1925, en classe de troisième à Janson-de-Sailly. » (Un déjeuner de Soleil), chez Kerouac « J’ai connu Dean peu de temps après qu’on ait rompu ma femme et moi » (Sur la route). Du côté des psychanalysés : « Tu es un ogre, me disait parfois Rachel » (Tournier, Le Roi des Aulnes). D’un autre genre, l’une de mes préférées, se moquant d’elle-même, qui appelle tellement la suite que j’ai envie de citer toute la page, « Les auteurs de jadis commençaient sereinement leurs histoires à la naissance du héros. » (Rebatet, Les deux étendards).

Dans À la rencontre de Forrester, le héros, en panne devant sa machine à écrire, commence par recopier quelques phrases d’une nouvelle de son ami et parvient à en tirer la suite.

Toute cette divagation est une réponse à ma question de départ. Que faire face à une feuille blanche ? Écrire. Écrire des mots. Écrire une phrase qui donne envie d’en écrire d’autres. Écrire une phrase qui donne envie d’en lire d’autres. Et, au fond, si les premières phrases ne sont pas bonnes, ou pas les miennes ou vraiment trop peu originales ou personnelles, qu’importe, il sera toujours possible de les retravailler. L’important, c’est d’écrire et de l’écriture, avec du travail, naîtra l’écrit personnel que je recherche.

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