
à David et Olivier, dont la vie et les conversations ont inspiré ces quelques lignes.
L’aventure.
La plupart de mes amis envisagent l’aventure au sens du voyage. Ils sont quelques-uns à avoir vécu de véritables aventures, mettant en jeu leur vie. Cependant, ce n’est pas là qu’est mon aventure.
En première, madame Vatain, mon professeur de français, nous avait donné un devoir sur Brise Marine de Mallarmé. Comme je me revendiquais son disciple et partisan de l’hermétisme, j’avais mis un point d’honneur à réussir ce devoir.
« Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
…
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots ! »
Je l’avais traité comme une invitation au voyage, comme la possibilité de sortir de l’Ennui par l’exotisme. J’avais eu une bonne note, mais madame Vatain, m’avait dit avec son œil pétillant :
-Et le voyage intérieur ?
J’avais manqué ce qui était le cœur du texte. Le voyage, l’aventure, n’est pas d’abord dans le nombre de kilomètres parcourus ou même dans les dangers réels ou imaginaires auxquels on a échappé. Si ces kilomètres, si ces dangers n’ont rien changé en moi, s’ils n’ont pas transformé ma manière de vivre, de penser, de voir le monde, je suis revenu à mon point de départ sans avoir réellement voyagé.
On peut vivre l’aventure dans « la clarté déserte de ma lampe », « sur le vide papier que la blancheur défend», avec « la jeune femme allaitant son enfant ». C’est l’aventure que je veux vivre. Et croire qu’il est plus difficile d’affronter les dangers physiques que la feuille blanche qu’il faut couvrir de signes est une illusion. La seule vraie difficulté, c’est de s’affronter soi-même, de se confronter à son ombre, de se trouver soi-même.
Je suis admiratif de ceux qui sont capables de partir, de se mettre en danger physiquement, de se confronter aux lieux et aux personnes inconnus. Mais je sais que je vis mon aventure avec mon clavier et mon stylo, que j’y mets mon cœur et mon âme et que plus rien ne sera jamais comme avant.